L’abécédaire du troll

Publié par Marie Algeo  /   mars 11, 2014  /   Posté Réflexions  /   Pas de commentaires

renard grandLe troll puise ses racines au plus profond des cultures du monde entier. Anthropologues et psychologues dissèquent depuis des siècles ses comportements asociaux. Fabulistes et romanciers s’en nourrissent aussi largement.
Une richesse de la littérature poétique et scientifique qu’on a choisi de cartographier ici sous forme d’abécédaire.


A comme Amusement

Sans amusement, pas de trolling… c’est même la base de cet art : si un troll ne trouve pas de prétexte à la rigolade, il ne trolle pas. Scientifiquement prouvée, la nécessité de s’amuser pour troller éclaire sous un jour étonnant des actes a priori destructeurs.
Et surtout, donne des pistes stratégiques pour se débarrasser des petits plaisantins.

D comme le Décepteur de Levi-Strauss
lièvre-doréLe grand anthropologue et ethnologue Levi-Strauss remarqua la présence systématique du « décepteur » dans les contes africains, comme le fait remarquer Denise Paulme dans une étude sur le Décepteur . Cette figure tutélaire prend les traits d’un animal comme l’araignée ou le lièvre et use le plus souvent de ruse et de fourberie.

La remise en cause des règles jusqu’à leur effondrement, un grand classique du décepteur, un grand classique du troll.
Donnée intéressante : il peut se faire « aimer » du public s’il se moque ou rudoie un puissant.

 

E comme l’Enfant intérieur de Jung
Psychologues et psychanalystes se sont aussi emparés de la figure du trublion. Pour Jung, nous serions tous porteurs de cette figure qu’il appelle « l’enfant intérieur ». En psychologie analytique, on le définit comme la rémanence de l’enfant que nous étions. On la retrouve dans toutes les cultures et il est souvent représenté sous la forme d’un gnome, d’un lutin…
Une de ses caractéristiques : il aime s’amuser (cf lettre A).

F comme le fripon divin
Le fripon divin, théorisé par l’anthropologue Paul Radin dans son ouvrage « The trickster: a study in American Indian mythology », est sans doute l’une des figures les plus proches du troll. Individualiste, changeant, il provoque des catastrophes et met le bazar dans le groupe.
Pour Paul Radin, il est essentiel à la société. Le troll le serait-il aussi à la communauté en ligne ?

H comme Hannibal ?
Hannibal lecter
Hannibal Lecter bien sûr, figure moderne du psychopathe, rendu célèbre par le Silence des agneaux, deuxième opus de la tétralogie de Thomas Harris et grand succès cinématographique. Comme lui, le troll a tout d’un psychopathe. Impulsif, il se sent exister dans l’action. Sans remord, il détruit et manipule avec délectation.

(Pour une analyse plus poussée de la figure du psychopathe au cinéma, il est conseillé de lire cet article de Science news à propos d’une étude menée par une équipe de psychanalystes et de cinématographes. Celle-ci conclue que la figure cinématographique la plus proche de la réalité est Anton Chigurh from dans No Country for Old Men des frères Coen. Hannibal Lecter donc serait plus proche des fantasmes que nous nourrissons nous, à propos des psychopathes).

J comme Joker

Joker est issu de l’univers des comics. Le grand public le connait grâce aux adaptations cinématographiques des aventures du super-héros Batman. La face blanchie par l’acide et barrée d’un sourire rouge et forcé, il porte haut les couleurs du troll ! Il ne s’en cache pas, il est là pour s’en payer une bonne…

Et pour ça, rien de mieux qu’une Gotham City à feu et à sang ! La destruction, quelle bonne blague… L’attrait pour la distraction n’est pas le seul caractère trollesque du Joker, également mû par la sournoiserie, le sadisme et l’humour graveleux.
En revanche, le besoin de vengeance à l’origine de la méchanceté du Joker, n’est pas évident chez les trolls numériques. Quoique.

M comme Machiavel
Marquis_de_Sade_portraitUne figure absolue pour le troll. Cet auteur italien, passionné de politique et de tactique militaire, ne s’intéresse pas à la morale et ne veut penser la fondation d’un Etat que de façon réaliste et pragmatique. Quitte à utiliser la ruse…

 

 

N comme Narcisse

narcisse-caravageQu’il est doux de s’admirer dans le miroir de ses propres commentaires ! Comme Narcisse, le troll s’aime, il est fier de lui et s’admire. Il aime attirer l’attention comme le reflet de sa propre image attire Narcisse jusqu’à la mort.
Il apprécie aussi l’observation des conséquences de ses actes (Comment le reste du groupe va réagir, que va faire l’administrateur du site ?)
Réagir augmenterait donc la portée de son action… Don’t feel the troll !

S comme Sade, la référence absolue
Avec Machiavel, Sade est l’autre figure emblématique du troll. Rendons hommage au Marquis dont on fête cette année le bicentenaire de la mort (1814). Pour lui, la morale ne vaut rien et il le montre dans son premier et célèbre roman Justine ou les malheurs de la vertu, où une jeune fille, de sa recherche permanente de vertu, ne récolte que souffrance et torture.
Comme Sade, le troll est sans état d’âme ni regret. Il fait mal et il aime ça. A quoi bon faire le bien, si la vie ne vous le rend pas ?

T comme triade noire
On aurait pu aussi traiter le T comme Tolkien mais notre choix s’est porté sur la triade noire. Paulhus et Williams sont les pères de cette théorie de la triade noire de la personnalité (.pdf). Publiée en 2002 dans le Journal of research in personality, elle esquisse le portrait des personnalités « socialement nuisibles ». Celles-ci partagent trois traits de caractère : le narcissisme, le machiavélisme et la psychopathie. On l’a vu tout au long de cet abécédaire, cette triade s’applique parfaitement au troll auquel on rajoute même le sadisme.

A lire aussi une étude scientifique canadienne sur les trolls et un storify à propos des trolls

Copyright illustration renard : © modera76 – Fotolia.com

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A propos de Marie Algeo

Responsable éditoriale de l'agence Web Report de longue date, anime l'équipe, résout les soucis de prod et triture avec délectation les lignes éditoriales des sites et des communautés online des entreprises et institutions. Passion inavouable : les exceptions orthographiques et les pièges grammaticaux.

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