Commentaires en ligne : de la liberté d’expression aux limites imposées par la loi

Publié par WebReport  /   février 26, 2014  /   Posté Etudes de cas, Actu  /   Pas de commentaires

Pour toute entreprise qui développe sa présence en ligne, ouvrir un espace d’expression aux internautes (blog, forum de discussion, Page Facebook…) est gage de visibilité sur le web. S’engager dans cette voie, c’est aussi connaître les règles et les risques inhérents au dépôt de commentaires de vos visiteurs. Certains peuvent présenter un caractère diffamant ou insultant et là, la responsabilité de l’entreprise est engagée. Particulièrement exposés à ce risque, et donc très attentifs, les sites des journaux et de la presse en général.

Commentaires avis en ligne

Thierry Magnol, médiateur du quotidien Sud Ouest et de la version digitale du journal, explique en quoi celle-ci requiert une attention et une réactivité exemplaires. Pour protéger l’entreprise d’un point de vue légal, mais aussi pour définir les limites – souvent fluctuantes – entre commentaires acceptables et inacceptables.

Drapeau Blanc – Est-ce que vous pouvez vous présenter, et présenter dans les grandes lignes votre mission de médiateur sur SudOuest.com ?

Thierry Magnol – J’assure les mêmes missions que pour la version papier de Sud Ouest. Elles sont de deux plusieurs ordres : d’une part assurer le lien entres les lecteurs et la rédaction en favorisant le dialogue entre les deux. Cette mission comprend des tâches supplémentaires plus spécifiques . Je suis notamment garant du droit à l’information  (et non du droit à l’oubli) : après avoir étudié certaines demandes, je peux être amené à demander la désindexation d’un article des moteurs de recherche. En revanche, nous ne supprimons jamais un article de notre site. J’assure également un rôle d’arbitre sur les commentaires litigieux.

Ma seconde mission consiste à assurer une veille déontologique. Sud Ouest est dotée d’une charte de la rédaction et je veille à l’application de cette charte par les journalistes.

« Commentaires nuisibles : prouver sa bonne foi pour être inattaquable »

Drapeau Blanc – Dans quels cas la responsabilité juridique du journal est engagée lorsqu’un lecteur publie un commentaire litigieux et comment se protéger d’un risque d’action en justice ?

TM – Notre responsabilité peut être engagée dès lors qu’un lecteur dépose un commentaire diffamant et insultant sur notre site.

Pour nous prémunir d’un point de vue juridique, nous devons être en mesure de prouver notre bonne foi.

D’après la jurisprudence, le délai d’intervention admis est aujourd’hui de 48 heures. Nous ne sommes pas attaquables si nous respectons ce délai.

« Nous flirtons souvent avec les limites »

Drapeau Blanc – Pouvez-vous donner un exemple issu de votre expérience illustrant le savoir-faire nécessaire à la gestion de commentaires sur SudOuest.com ?

TM – Nous flirtons souvent avec les limites, c’est inhérent à l’expression libre des commentateurs, dans la limite prévue par notre charte.

Je peux citer en exemple un commentateur en particulier, qui prend souvent à parti les élus locaux de manière assez virulente. C’est quelqu’un de très cultivé qui écrit très bien, et qui sait très bien jouer les limites de l’acceptable.

Nous sommes souvent saisis -notamment par les élus locaux- pour modérer ses propos. Mais dans la majorité des cas, nous leur répondons qu’ils se situent dans les limites de notre charte de bonne conduite.

« S’appuyer sur une charte de bonne conduite des lecteurs »

Drapeau Blanc – Comment agissez-vous au quotidien pour éviter des dérapages ?

TM – Nous avons mis en place un système qui s’appuie sur un service externalisé de modération. Notre prestataire assure une modération a posteriori des commentaires, et s’engage à les modérer dans un délai de deux heures au maximum. Chaque jour, environ 3000 commentaires sont postés sur Sud-Ouest.com.

Ce service s’appuie une charte de bonne conduite que nous avons mise en place et que nos lecteurs et commentateurs s’engagent à respecter en s’inscrivant sur le site.

J’entre dans ma fonction de médiateur dès lors qu’il y a un litige.

Les commentaires « limite » : l’art délicat de la modération

Drapeau Blanc – Quels sont ces litiges justement ?

TM – Il y a deux types de litige : les lecteurs qui considèrent qu’il faut enlever le commentaire d’un autre lecteur qu’ils jugent diffamatoire ou insultant. J’entre alors dans ma fonction d’arbitre.

Le second type de litige concerne le lecteur dont on a supprimé un commentaire, et qui considère l’action de modération injustifiée et crie à la censure.

Pour faire ces arbitrages, je m’appuie sur les termes de la charte et m’assure qu’ils sont bien respectés. Je suis un « juge de paix » en quelque sorte.

Drapeau Blanc – Quelles sont les difficultés liées à la modération des commentaires qui flirtent avec les limites de la charte ?

TM – Tout d’abord, la prise en compte de la culture du journal Sud Ouest, qui est importante dans la prise de décision, et qui joue un rôle dans l’approche de modération et de médiation. Celle-ci peut échapper à notre service externalisé qui travaille vite.

Ensuite, la problématique de « second degré », qui n’est pas toujours compris par le modérateur. Lorsque que je suis saisis par un lecteur du site, je prends le temps d’analyser le commentaire, et selon mon interprétation, de le réhabiliter ou au contraire de valider sa suppression.

Une troisième difficulté vient de l’argumentation du lecteur : il argue souvent du fait que d’autres commentateurs n’ont pas été modérés, bien qu’ils aient tenu des propos similaires aux leurs, de leur point de vue.

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